DÉSERT ESPAGNOL

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Suivez l'aventure d'Adrienne dans les Badlands

À l’heure où la rentrée sonnait pour beaucoup d’entre nous, Adrienne a prolongé l’aventure dans le désert espagnol, sur une épreuve de bikepacking en gravel devenue mythique : Badlands. A son retour, elle nous raconte cette course redoutable.

Récit illustré par les photos de Sophie Gateau.

Qu’est-ce que c’est, Badlands? Et pourquoi ça porte un nom si terrifiant ?

C’est une course de gravel qui se déroule en Andalousie, avec un parcours de plus de 700 kilomètres et 15 000 mètres de dénivelé positif. On part de Grenade, on file dans les montagnes, on traverse des déserts, on rejoint la mer, et on revient vers les montagnes, majoritairement sur des pistes ou des chemins.

Le nom de « Badlands » vient d’un type de paysages spectaculaires et reconnaissables qu’on croise en route, avec une terre d’argile creusée par les érosions. On a l’impression de se retrouver en plein Far West, alors qu’on est au sud de l’Europe. C’est un moment fort de la course, mais le mot de « Badlands » décrit en fait assez bien l’aventure toute entière : de la poussière, du sable, du relief, des déserts… Le paradis du gravel, en somme ! 

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Comment tu t’es préparée pour une épreuve comme celle-là ?

Mon abandon prématuré à la North Cape 4000 a pas mal remis en cause ma manière d’aborder les choses mais c’était une expérience intéressante. Je pensais que j’arriverais avec 4 000 kilomètres dans les pattes, et que l’urgence serait surtout de me reposer. Malheureusement, j’ai dû arrêter plus tôt que prévu et mon corps a pas mal souffert. J’ai donc fait le choix de récupérer et d’entretenir mon endurance en faisant plein d’autres choses que du vélo : j’ai beaucoup nagé, un peu couru, fait du renforcement musculaire… et de la pétanque. Je n’ai quasiment pas roulé dans les semaines qui ont précédé Badlands. J’étais curieuse - curiosité mêlée d’appréhension - de voir ce que ça allait donner. En fait, j’estime que le choix était bon : je suis arrivée sur la course plutôt en forme, et surtout avec une envie folle de retrouver le vélo. C’était l’essentiel. 

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Comment tu as adapté ton vélo pour un terrain aussi contraignant ?

Je roule sur un GRVL900ti, et j’ai surtout adapté ce qui concerne la transmission. C’est un point crucial : tu peux vite te retrouver à marcher longtemps et te trouver nul·le alors que ce n’est parfois qu’un problème de mauvais ratio. Alors j’ai mis du temps à comprendre quelque chose à tous ces chiffres mais ça vaut le coup de se pencher sur la question, et j’ai eu la chance de pouvoir en discuter avec l’équipe de Triban et d’être conseillée.

Là, on est en bikepacking, et le parcours est particulièrement exigeant : bien sûr, il y a le dénivelé, mais surtout on est en gravel donc les pourcentages peuvent être vraiment costauds, et puis dans le sable il vaut mieux pouvoir mouliner. Du coup, je suis partie avec un mono-plateau oval de 38 dents et une énorme cassette derrière, une 11-48. Honnêtement, c’était parfait. Un vrai régal.

Selon toi, c’était quoi la plus grosse difficulté ?

Sans aucune hésitation, la chaleur. On était sur des températures qui oscillaient entre 35 et 40 degrés dans la journée. J’avais quand même un peu anticipé en prévoyant une capacité de 5L d’eau et on profitait de chaque point d’ombre pour faire redescendre un peu la température corporelle. Mais concrètement, entre midi et 18h, j’étais souvent dans les choux même si, heureusement, ça redescendait pas mal la nuit. D’autres participant·es se sont davantage exposé·es, il y a eu pas mal d’abandons à cause de ça d’ailleurs. Mais pour moi c’était clair : j’ai préféré adapter un peu le parcours et le rythme plutôt que de me mettre dans le rouge. Il n'était pas question de réitérer l’expérience d’un gros coup de chaud. 

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Et le plus gros plaisir ?

Là pour le coup j’hésite beaucoup plus ! Globalement, l’aventure en entier me semble un kiff immense et continu. C’est assez sublime d’évoluer pendant plusieurs jours d’affilée sur les pistes, loin des voitures, et de traverser une immense diversité de paysages tous plus spectaculaires les uns que les autres, de grimper une montagne, découvrir un plateau désertique, rouler dans des canyons, poser le bivouac, contempler les étoiles, regrimper, apercevoir la mer de l’autre côté etc. Mais si je devais isoler quelque chose de cet ensemble onirique, il y aurait le lever de soleil dans le désert de Tabernas, avec l’impression d’être seule au monde dans cette lumière bleutée et les monticules de roche à perte de vue. Ou peut-être la baignade dans la mer à Cabo de Gata, ou les longues descentes sur des pistes parfaites… Et les oranges pressées à chaque café qu’on trouvait.

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Tu as déjà d’autres envies ou projets ?

Je repars très bientôt en gravel pour faire le Torino-Nice Rally. Ce n’était pas prévu mais je n’ai pas pu résister. L’idée est de se retrouver avec une cinquantaine de femmes pour s’élancer ensemble sur ce parcours dans les Alpes. Il y aura, je le sais, des femmes que je trouve engagées, puissantes et inspirantes : Lael Wilcox, Rue Kaladyte, Emily Chappell, Gaelle Bojko, Louise Roussel, Sophie Gateau, et plein d’autres. J’ai hâte de les rencontrer (ou de les retrouver pour celles que je connais) même si je suis un peu impressionnée.

Photo Sophie Gateau

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Ensuite, je prendrai le temps de clore l’année qui vient de s’écouler, qui a été intense. Très riche, souvent belle, même si certaines choses se sont moins bien passées et j’aimerais prendre le temps de les analyser avant de réfléchir à l’année suivante. Mais j’ai déjà quelques idées d’épreuves sur lesquelles j’aimerais bien m’aligner. Et j’aimerais bien aussi, à ma toute petite échelle, contribuer à ce qu’il y ait toujours plus de femmes qui se mettent au vélo, et à la longue distance. 

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